mardi 19 janvier 2016

Nuit de cauchemar part II

Première partie: ici
 
C'est donc sur internet que j'ai trouvé mon poison. J'ai attendu de le recevoir avec impatience durant plusieurs jours. Tous le temps, je me faisais le même film dans la tête. « Quand il rentrera, tu auras préparé à manger, son assiette sera remplie et tu y auras ajouté ton poison. Il engloutira son plat sans se poser de question car il te fait une confiance aveugle ».
Le jour venu, tout s'est déroulé comme prévu. Je lui avais fait une blanquette de veau, et au moment de le servir, il était assis dos à moi, j'ai ouvert ma petite fiole avec le poison dedans. Ce n'était pas liquide c'était de la poudre noirâtre, comme du poivre. « Merde, il n'aime pas le poivre ! Il ne le mangera pas ». Je me décidais quand même de lui servir son assiette tout en prenant soin de ne pas me tromper de plat.
« Mais Mélanie, t'as mis du poivre, tu sais que j'aime pas ! 
-Goute avant de faire chier, tu ne vas même pas le sentir. 
Et évidemment, il a répondu :
-D'accord, chérie ».
Il a englouti le plat en précisant qu'en effet on ne sentait pas du tout le poivre. Je le voyais mastiquer, il soufflait comme un bœuf entre chaque bouchée, il sauçait, encore et encore, il absorbait, c'était interminable. Mais je supportais. « Plus qu'une demi-heure. Plus qu'une demi-heure et il va me clapser entre les doigts. J'attendrai dix minutes et j'appellerai les secours ».
Sauf que mon plan parfait a commencé à prendre une autre tournure. La demi-heure passait, et il ne s'était toujours rien produit. Je le regardais, je scrutais le moindre mouvement, le moindre mimique, rien ne changeait. Il finit par me demander :
« -Pourquoi tu me regardes comme ça ?
- Pour rien, je n’ai pas le droit de te regarder maintenant ?
-Oui, oui pardon chérie.
-Tu commences vraiment à m'emmerder avec tes « oui oui » et tes « d'accord chérie » c'est à quel moment que tu vas te demander si tes couilles sont bien accrochées, hein ? »
J'avais commencé à lui beugler dessus et il me regardait d'un air étonné, les yeux grands ouverts, il ne comprenait pas, il était comme un élève à qui l'on demandait de répéter ce que le professeur venait de dire et qui n'avait rien écouté.
« -Excuse-moi chérie, ne t'énerve pas, pardon...
-T'es vraiment qu'un gros connard de merde, tu ne comprends rien, rien du tout, et dégage de la , sinon, je te jure, je te jure... je t'enfonce cette putain de fourchette entre les yeux !
-D'accord, je vais faire un tour aux toilettes. »

Je me rendais compte de l'enfer de la situation. Ma main était crispée sur la fameuse fourchette, mes doigts en étaient devenus rougis. Sur le creux de mon assiette je remarquais le reflet de mon visage. Mes traits étaient déformés par la rage. « Il faut qu'il crève, il faut qu'il crève ». Il attendait quoi pour crever ? J'avais attendu trop longtemps, il n'allait pas continuer à me pomper l'air ce n'était plus possible. Je ruminais dans mon coin, je ruminais, je ruminais, je ruminais, et mon cerveau commençait à sérieusement s'enfumer. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, je ne sais pas par quel raisonnement j'en suis venue à ça mais j'ai fini par me retrouver devant la porte des toilettes avec le grand couteau de cuisine à la main. J'ai commencé par susurrer à la porte, demander pardon à Raphael de m'être ainsi énervée, et je lui demandais de sortir. « Tant pis, je le poignarderai », me disais-je. Mais il ne sortait pas, il ne répondait pas. Du coup, je me suis mise à tambouriner la porte, à crier, mais il ne répondait toujours pas. J'en venais à me dire que le poison avait peut-être fait effet et qu'il était peut-être mort là, dans les toilettes ? Mais si ce n'était pas le cas ? S’il se réveillait et qu'il me jouait un mauvais tour ? Il fallait que je rentre. Je commençais donc à le menacer de tout péter, de défoncer la porte. Pas de réponse. Dans un excès de rage, je parvins enfin à démonter la porte. Et là, je le retrouvais, Raphael, gisant sur le trône, le pantalon baissé aux pieds, les bras ballants, assis de travers, et les yeux grands ouverts. Je m'approchais de lui avec précaution. « Raphael ? Raphael ? » Dis-je d'une voix tremblotante. Pas de réaction. J'étais tout près de lui, je regardais ses yeux qui eux, regardaient dans le vide. Je passais ma main devant eux, aucun réflexe. Et enfin, je me mis à écouter. J'écoutais autours de moi. Un silence d'or régnait, aucun bruit, pas même un bruit de respiration... Ouf. Il était enfin mort.
Tout à coup, je sentis une main attraper mon bras. Je n'ai pas pu m’empêcher de hurler comme une dératée. C'était quoi ?? D'où ça venait ? Comment était-ce possible ? Et là j'entendis la voix de Raphael qui essayait de s'échapper du fin fond de son corps « aide-moi ! » grogna-t ‘il, sa main toujours agrippée à mon bras. Merde ! Merde, il n'était pas mort ! Mais comment était-ce possible ? Comment Raphael pouvait autant s'accrocher à la vie, en voyant ce qu'il en faisait ? Ca en était trop ! Trop ! Je n'allais pas m'arrêter en si bon chemin. C'est avec la force de mes bras que j'en finirais ! Je passais donc mes mains autour de son coup et commençais à serrer, serrer. Il devenait tout rouge, de plus en plus rouge, il commençait à virer au violet, c'était prodigieux. Mais Raphael avait des ressources et il se mit à se débattre comme un dératé. Il lançait des coups dans tous les sens, ses bras et ses jambes étaient incontrôlables, et dans un énième accès d'énergie, il réussit à m'en coller une en pleine face, qui me força à lâcher prise et m'envoya en dehors de la pièce. Je suis restée sonnée quelques secondes, quelques minutes, je ne sais pas. Ce que je sais c'est qu'entre temps, lui, avait repris des couleurs et commençait même à se mettre debout. Je ne sais pas s’il réalisait ce qu'il se passait autour de lui, je ne sais pas s’il se rendait compte de mes intentions, jusqu'à quel stade il était drogué par le poison et hébété par l'étranglement, mais je voyais qu'il reprenait des forces, et que si je ne l'assaillais pas d'un dernier coup, il en finirait avec moi. Je me suis rappelée du couteau que j'avais laissé à l'entrée des toilettes mais je ne le trouvais plus. Dans la panique il avait surement du glisser dans le couloir, je ne sais pas... Ce que je peux dire c'est que j'étais encore à terre quand il parvint enfin à se redresser sur ses deux pattes. Il était debout, là, la tête rouge comme une tomate, tout chancelant et tremblant, vacillant sur ses cannes comme une pauvre biche, le pantalon encore à ses pieds, il n'avait vraiment pas fière allure. C'est à ce moment-là, qu'il a fait un pas en avant, je ne sais pas comment, je ne sais pas par quel hasard, mais il n'a pas tenu, il a glissé et il est tombé sur le côté, il s'est cogné la tête, et a fini le visage en plein dans la cuvette des toilettes. Je l'ai vu se débattre quelques secondes, son corps se contracter et d'un coup, tout s'est relâché. A cet instant, j'ai compris que c'était bel et bien fini...
- D'accord, bien. Nous dirons simplement au juge qu'il est mort par noyade, alors, hein.

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