Pour
moi, les choses ont toujours été très claires. Depuis petite, je
savais de quoi mon avenir serait fait, et comment il serait tracé.
Particulièrement concernant ma vie affective. Il était évident que
j'aurais mon premier enfant à 26 ans, une petite fille, Maria et,
qu'ensuite j'en aurais un second à 28 ans, un garçon, Leo. Tout se
passerait comme je l'avais programmé. Je voyais en la maternité
quelque chose d'absolue, de simple, et l'éducation de mes enfants se
ferait naturellement, sans entrave. Contrairement à beaucoup
d'autres, je n'avais aucune peur. Non, je n'avais pas peur du danger
qui pourrait getter nos enfants, je n'avais pas peur des maladies, je
n'avais pas peur de l'adolescence, ni de leur avenir incertain, ou
qu'ils sombrent dans les drogues, l'alcool ou la déchéance.
J'abordais le fait d'être mère avec sérénité, car je savais
pertinemment que j'étais faite pour. J'avais beaucoup de mal à
comprendre ces femmes qui ne voulaient pas d'enfant, ou qui ne se
sentaient pas prêtes. Une femme est biologiquement faite pour ça.
Elle est faite pour avoir des enfants, donc c'est dans toutes ses
fibres qu'elle doit se sentir mère. C'est ainsi que je percevais les
choses.
A
l’âge de vingt-trois ans je devenais infirmière en puériculture,
et malgré la difficulté de la tâche, la proximité avec les mamans
et les nouveaux nés, m'enrichissaient et m'apportaient toute
l'énergie positive dont j'avais besoin pour accomplir mon petit
dessein. A l’âge de vingt-quatre ans, je rencontrais l'homme qui,
je le décidais, serait l'homme de ma vie et le père de mes
enfants : Eric. C'est ainsi, je n'avais pas eu besoin de le
chercher, il s'était imposé comme une évidence. Il correspondait à
tous mes critères : gentil, attentionné, disponible,
ambitieux, stable et capable de gérer les situations compliquées.
Le fait d'avoir un premier enfant s'est vite imposé à nous, mais
nous préférions attendre un peu et ne pas se précipiter. Eric me
permettait de prendre mon mal en patience. Selon moi, il fallait
attendre le temps de se connaître, d'emménager ensemble, de se
marier, et nous pourrions avoir notre premier enfant. Nous
arriverions donc à l’âge de 26 ans, comme je l'avais prévu. Nous
avons donc acheté un appartement avec deux chambres, nous nous
sommes mariés en grandes pompes à la mairie de mon village, et
avons sérieusement planifié nos projets d'avenir. Tout le monde
était impressionné autour de moi par la manière dont je gérais ma
vie. J'étais maitresse de mon destin, et je tenais les rênes telles
que je le souhaitais. J'avais d’ailleurs du mal à comprendre
comment à mon âge certains pouvaient être aussi paumés, sans
emploi, à sortir tous les deux jours. La vie, ce n'était pas ça.
Il fallait être rigoureux et stratège pour atteindre ses objectifs.
Une fois que l'on avait compris ça, le plus dur était fait, il
suffisait de suivre la ligne que l'on se traçait, et de s'y tenir.
C'était la seule façon d'y arriver.
Bien
que comblée par notre vie à deux et par mon mari, quelques mois
après notre mariage, je lui soumettais l'idée d'avoir un enfant. Il
ne réagit pas comme je le souhaitais et me dit d'attendre un peu.
Nous venions de nous marier, et il voulait profiter de notre couple
avant qu'un enfant vienne tout chambouler. Attendre ? Mais
combien de temps ? Je ne pouvais pas attendre ! Si nous
nous marrions, c'était évident que le but était d'avoir des
enfants, non ? Sans cesse je lui répétais que je voulais un
petit bébé de lui, et à chaque fois, il me disait qu'il voulait
attendre, qu'il n'était pas tout à fait prêt. Il se défilait !
Pourquoi m'avait-il épousé alors ? Pour passer nos soirées à
se regarder dans le blanc des yeux ? Non, il m'en fallait plus.
J'ai attendu, les mois passaient, j'arrivais au dernier trimestre de
mes 26 ans, et j'essayais de me rassurer, en me disant que 26 ou 27
ans pour avoir un enfant ce n'était pas une grande différence, que
mes objectifs n'étaient que peu chamboulés. Mais l'année de mes
27ans est arrivée, les mois ont avancé, et mon mari ne ressentait
toujours pas mon envie qui se transformait en obsession. Je lui mis
un ultimatum : soit on fait un enfant, soit je divorce. Je
savais que c'était assez mesquin car il n'avait aucune envie de
divorcer, et moi non plus, pas après tout ce que nous avions
construit, mais je me disais que c'était la solution pour lui faire
un électrochoc. Dans ma tête, quand je lui fis ce chantage
affectif, je n'eus en aucun cas l'idée de le concrétiser. Divorcée
à moins de 30ans, et puis quoi encore ? Le fait est que la
menace eut l'effet escompté, et après quelques jours de réflexion,
des jours qui furent longs, lourds, où la communication était
compliquée, car mon mari se sentait pris en otage, mais, où moi je
me sentais malheureuse, il finit par accepter que nous ayons notre
premier petit bébé. Enfin, j'allais avoir ma petite Maria à serrer
dans mes bras ! Je l'imaginais tellement bien ! Elle me
ressemblerait. De grands yeux noisettes, des taches de rousseur sur
sa petite frimousse et de longs cheveux frisés et bruns. Une petite
moi que je pourrais habiller comme je le souhaite. Elle sera pleine
d'entrain, de bonne humeur, toujours joyeuse mais très timide avec
les inconnus. Une gamine affectueuse, qui aimera aller à l'école et
aura plein de petits camarades à qui je ferais des pâtisseries le
weekend. Je l'avais tellement imaginée durant toutes ces années,
que je savais exactement à quoi elle ressemblerait.
J'avais
arrêté de prendre la pilule le jour où Eric m'avait dit qu'il
était d'accord. Je savais qu'il faudrait peut-être quelques mois
avant de tomber enceinte mais dans certains cas, ça marchait très
vite. Nous nous sommes attelés à la tâche avec beaucoup
d'application. J'avais lu des livres sur les positions conseillées,
les horaires idéales, et je connaissais ma date d'ovulation de
chaque mois par cœur, sans avoir à y réfléchir. Le plan était
infaillible, avec une telle énergie, quand j'allais avoir 28 ans,
Maria serait dans mes bras. Nous avions déjà deux ans de retard sur
le programme, il fallait faire vite.
Pourtant,
au bout de six mois, il n'y avait toujours rien. Au début, malgré
mon empressement, je me disais que c'était normal, j'avais pris des
hormones pendant un moment, mon cycle devait se recadrer. Mais six
mois, à ne penser qu'à ça, c'était long. Je commençais à
m'inquiéter, à interroger mes collègues : faisais-je tout
bien ? Fallait-il manger des aliments en particulier ?
Faire plus ou moins de sport ? Je ne comprenais pas.
J'échangeais avec certains docteurs qui me disaient qu'à mon âge,
en étant en bonne santé, les choses iraient toutes seules. Les mois
continuent pourtant à s'écouler, et il n'y avait toujours rien dans
mon ventre. Comment était-ce possible ? Je devenais déprimée
et colérique, je ne pensais qu'à ça, je ne comprenais pas pourquoi
moi, je n'avais rien alors que des connasses tombaient enceintes
comme elles baissaient leurs culottes pour aller aux toilettes.
C'était injuste. Certaines avortent car elles n'en veulent pas et
moi, qui en crevais d'envie, n'avais rien. Je ne pouvais plus
accepter la situation, et décidais qu'il en était assez, j'emmenais
Eric pour faire une batterie d'examens, peut-être que son sperme
était pourri ou que mes ovaires ne marchaient pas. Nous sommes allés
voir des experts en fertilité, qui nous ont pris en charge, qui ont
tout analysé en détail et ont étudié chacune des éventualités
possibles. Le jour du résultat je croyais que j'allais mourir
d'angoisse. Je n'avais jamais pensé que je pourrais être stérile,
ce n'était pas dans mes plans. Qu'allais-je pouvoir faire, moi qui
voulais plus que tout sentir un enfant grandir dans mon ventre ?
Mais les bilans étaient sans appel : ni Eric ni moi n'avions le
moindre problème. Nous étions les deux parfaitement sains, et il
n'y avait aucune incompatibilité possible. Tout fonctionnait à
merveille là-dedans.
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